J'aime le camping. Ce n'est pas une passion, juste une façon de vivre mes vacances, l'espace de trois ou quatre semaines. C'est mon pèlerinage annuel, si l'on peut dire. Cette fois, je suis allé me ressourcer au Puy-de-Dôme, Pont Astier, près de Thiers. C'est tranquille. Beaucoup de personnes « âgées » au sein de ce trois étoiles, je dois être l'un des plus jeunes du haut de mes cinquante-deux printemps. Je randonne un peu. Quelques années plus tôt, j'aurais parcouru des quarante, voire cinquante kilomètres à travers la cambrousse, mais ça c'était avant... avant mon opération du genou. C'est la merde, le genou. Beaucoup de coureurs, marcheurs, peuvent en témoigner. En tout cas, ce jour-là, j'étais bien décidé à glander. Dès neuf heures j'étais enfoncé dans ma chaise longue, à lire un roman de Michel Bussi « Rien ne t'efface », pour ne pas le citer.
Vers midi, un jeune d'allure agréable, cheveux un peu bouclés, seize ou dix-sept ans au compteur, se présente devant la clôture de mon emplacement. Je précise que dans le camping, j'étais situé au fond à droite, oui c'est drôle, au bord de la Dore, la rivière du coin. Derrière la clôture, se trouvait une base de loisirs, des installations pour les enfants, des tables de pique-nique, un terrain de tennis. À mes yeux, le jeune qui se présentait à moi, était un joueur de tennis, je le voyais vraiment comme un bon gars. Il présentait bien, belle gueule, franchement, il m'inspirait confiance. Oui, c'est con, mais qui n'est pas influencé par l'apparence ?
Il s'approche de moi. J'étais assis, près du grillage, à l'ombre d'un arbuste, la glacière à mes pieds (entretenue par des glaçons en sachet, qui « fondent lentement », c'est indiqué très sérieusement sur l'emballage, je n'ai jamais compris la précision). Quelques centimètres nous séparaient.
– Vous n'auriez pas un coca ?
Vers midi, la température approchait déjà les trente degrés. En ce juillet 2025, nous subissions encore une canicule, même si cette notion commence à me gonfler sévèrement. Rien n'indiquait qu'un coca se trouvait dans ma glacière, mais pourquoi pas. Au moins, il ne m'a pas demandé une bière, il aurait pu... je n'en avais pas. Mais un coca, oui. Bah, vu la situation, vu l'heure, je n'ai pas trop réfléchi. J'ai opiné du chef, comme on dit, et j'ai ouvert la boîte pour en extraire une bouteille de cinquante centilitres en plastique.
Le jeune saisit la boisson sans un merci. L'ouvre, arrache le bouchon (car les bouchons, sont à présent rattachés à la bouteille, grande victoire de l'écologie au niveau européen, les amis!) avale une gorgée et déverse le reste au pied d'un arbre. Un frêne, je crois, mais on s'en fout. Une marre brune s'est étendue sur la terre séchée. Une fois vide, il jette l'emballage sur mon emplacement sans un regard en retour. Je l'ai observé. Aucun geste, pas même un doigt, l'enfoiré. Il est juste parti. Comme ça.
Je ne cache pas que j'ai été un peu vexé par cette attitude. En réalité, j'étais en rage. Quelle petite salope !
De retour au fond de ma chaise longue, je n'ai eu de cesse de penser à lui. Quelle raclure !
Je me réservais ce soda pour me l'envoyer avec un bon whisky, je ne vais pas mentir. Ce trou du cul m'en a privé, et c'est ma faute, je le sais. Rien ne m'obligeais à lui offrir cette bouteille. Je suis un con. Ce jeune enfoiré me fais prendre conscience de ma stupidité ! Il m'a clairement chié à la gueule ! Il m'a déversé sa diarrhée au visage !
Un peu sur les nerfs, j'ai abandonné ma chaise longue et je suis allé me renseigner. Ce petit con faisait partie du camping. Il résidait avec ses parents à l'autre bout du terrain. Il ne jouait pas au tennis, allait juste tremper son cul dans la rivière parfois. Le reste du temps, son attention se portait à son smartphone. Un geek de merde, en somme.
Ma haine n'a fait qu’amplifier. Pourquoi a-t-il fait ça ? Rien ne l'expliquait. Son geste est juste un acte de guerre !
Ok, allons régler ça.
Entre deux et trois heures du matin, je me suis présenté à son emplacement. Ses parents dormaient dans une caravane. Lui était dans une canadienne. Ma machette, une belle d'un bon kilo, a tranché la toile comme du papier. Le couperet s'est planté exactement là où je le voulais. En pleine tête. Crâne fendu, œil percé. Je lui ai débité la tronche façon carpaccio. Impossible pour lui de se défendre, et c'était bien ainsi car il ne s'agissait pas d'un combat. Juste d'une mise au point.
Oui, j'ai tué cette crevure, et je n'en ressens aucune honte. Je vois les bien-pensants juger mon action, me cracher au visage que ce n'est pas une raison pour tuer un ado. À ouais ? Et c'est quoi la bonne raison ? N'ai-je pas droit à un minimum de considération ?