mercredi 24 août 2022

Tête de paille

 


Il les voit tous arriver. La police, les voisins, même ses parents. Qu'ils viennent, ils seront bien reçus !

Qui sont-ils pour le juger ainsi ? Oui, c'est vrai, il joue encore à la poupée à vingt-cinq ans, et alors ? Est-ce une raison pour déployer l'armada ? Tête de paille le regarde, assise au fond du rocking-chair. Elle se balance légèrement. Un épi de blé dépasse de son oreille droite.

« T'inquiète pas ma belle, mon père est chasseur, et je sais où se trouve son fusil. »

Sur ces mots, ses pas le conduisent à la remise « secrète » du paternel, l'arme est accroché en hauteur, le salaud ! Une chaise et l'affaire est pliée. Les boites de munitions reposent sur une étagère, encore plus haut, près du plafond. Avec le canon, il en fait tomber deux. Les cylindres rouges se répandent au sol. Charger ce truc lui prend des plombes ! Son vieux ne l'a jamais autorisé à s'en servir. Seul son sens de l'observation et sa mémoire lui permettent d'arriver à ses fins. Et au bout du compte, c'est assez simple. Quelqu'un frappe à la porte au moment où il remplit ses poches de cartouches.

⸺ Fabien, ouvre la porte !

Les persiennes pas tout à fait closes dévoilent un groupe de gendarmes. Celui qui est devant la porte est énorme, une panse de bovin, une tête de porc, un vrai « Manimal », super série ! Non, non, plutôt l'un des monstres de l'île du docteur Moreau, ouais c'est ça ! Deux autres troufions se trouvent derrière lui, et certains se planquent derrière les portières de leurs voitures, prêts à tirer. Ridicule !

Leur répondre servirait-il à quelque chose ?

⸺ Fabien, ton père veut te parler.

Le paternel s'approche, le visage décomposé. À cinquante-huit ans, il en paraît soixante-dix.

⸺ Mon grand, tu dois te rendre à présent. Ça a trop duré.

Fabien ouvre lentement le verrou. La clenche fait un bruit d'enfer. Alors que la porte est entrouverte, le ventripotent se rue dessus, et s'effondre dans le salon. Une volée de plomb pénètre sa nuque, et fait voler son crâne en une gerbe rouge, rose et grise. La seconde cartouche est pour son vieux, pile dans la gorge. La porte toujours ouverte, il se planque de côté et attend que les autres crétins vident leurs chargeurs. Il tirent même sur leur collègue étalé au sol, c'est drôle. Certes, il ne pourra plus s'en plaindre...

Dès que le feu se calme, Fabien tire au hasard.

⸺ Je joue à la poupée si ça m'amuse ! Vous croyez que c'est que pour les filles, c'est ça ? Je vous emmerde, vous et votre sexisme !

Il va décharger une nouvelle salve lorsqu'une personnes aux cheveux blonds se jette sur lui, en hurlant :

⸺ Arrête, je t'en prie. Ils vont te tuer !

C'est sa mère. Elle est sur lui, impossible de la reconnaître, mais sa puanteur de vieux cendrier ne laisse aucun doute.

⸺ Tu m'as toujours empêché de jouer à la poupée. C'est pas normal.

⸺ C'est n'est pas ce qu'on te reproche, regarde les choses en face, au moins une fois dans ta vie !

Fabien la repousse, se relève, tire une fois par la porte, et braque enfin sa mère, cette créature castratrice, ce juge des bonnes manières de s'amuser ! Avant que son crâne ne soit réduit en purée, que son beau visage encore jeune se fonde en une masse sanguinolente de chair et d'éclats d'os, elle hurle :

⸺ Tu as empaillé ta sœur, tu es mala...

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