Non mais, de quoi j'ai
l'air, je vous le demande ? Je commence à regretter l'école.
Je m'y emmerde, mais au moins, j'ai quelques amis. Des vrais.
Avec ces bijoux de
pacotilles, ce maquillage et ces vêtements super légers, je
ressemble à une pute de l'Est qui tente en vain de paraître classe
en jouant sur les paillettes, le strass tout en restant sexy. Plutôt
vulgaire, si vous voulez mon avis. Même si je pense que personne ne
paie, l'analogie semble à peine exagérée. C'est bien pour ça que
je suis ici, non ? Pour offrir du plaisir à ces messieurs.
Ils sont tous venus, on
voit que c'est la fin de l'année. Faut fêter ça !
Tonton pastis, nommé
ainsi par mes soins en raison de son haleine chargé à l'anis, du
matin au soir, cousin Patrick, le plus jeune, le plus costaud, et le
plus endurant, voisin Thomas, le plus maigre, c'est-à-dire, le moins
gras, le sergent Renaud, un copain du fournisseur, et bien sûr, le
fournisseur en personne, papa. Un seul absent, le frangin. Mais ce
n'est pas vraiment un habitué, et il avait sûrement mieux à faire
ce soir.
Ils sont bien chargés.
Bière pour certains, whisky pour d'autres... pourquoi ne me
droguent-ils pas au GHB ? J'ai des copines qui connaissent,
paraît que ça fait passer le sexe plus facilement. Une fois, j'ai
essayé de leur faire comprendre qu'à notre âge, on n'est encore
censé pratiquer le sexe, mais elles m'ont regardé comme si j'avais
lâché un pet pimenté. Non, être enfant, ce n'était plus pour
nous. On avait passé le cap.
Déjà, tonton pastis me
demande de me tourner. Avec lui, c'est toujours derrière. Faut dire,
il pourrait m'écrabouiller en s'allongeant sur moi, c'est sans doute
plus prudent. Il s'installe, et je me sens clouée au sol, obligé de
me plier pour ne pas être déchirée en deux. Le voisin vient me
proposer son manche dans l'espoir que je l'astique. Va falloir m'y
obliger, mon coco ! Les autres attendent leur tour.
Soudain, je sens un
liquide chaud couler sur le haut de mes fesses. Il a déjà terminé
le gros dégueulasse ?
Je me retourne et voit
mon oncle le teint rubicond, qui observe horrifié la pointe de
l'arme qui vient de le transpercer par derrière. Une torsion élargit
l'incision, et les tripes s'écoulent. C'est franchement ignoble. Je
me réfugie au fond de la pièce. Pas envie d'être recouverte de
cette viande hachée !
Le tueur récupère son
arme, et la plante en un geste sec de baroudeur dans le crâne de
Patrick. Voisin Thomas tente de s'échapper, mais alors qu'il se
trouve sur le seuil, un coup de feu retentit. Il prend une balle dans
le dos et s'écroule contre le mur. Ensuite, c'est au tour du
sergent, en pleine tête. Quel ironie ! Avec sa propre arme de
cow-boy ! J'entends la voix de papa qui hurle à l'assassin,
pour prévenir ma gentille maman.
Trop tard. Il est à la
merci du tueur, et ses douces paroles n'y feront rien. Sa
détermination semble inébranlable. Je le vois à sa mâchoire
crispée.
Il pointe son arme sur
l'entrejambe de mon père, et tire. Derrière la détonation,
j'entends un floc étrange, les couilles qui giclent, sans doute.
Après, il vise le cœur, tire encore, puis à la fin, c'est la tête.
Elle explose littéralement. Le colt python à bout portant, ça ne
fait pas de cadeau.
Ensuite, il se tourne
vers moi. Ses yeux rougis laissent échapper des larmes. Eh bien,
frangin ! Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Des scrupules ?
Il sanglote, et moi je le
fixe, le cœur et le regard secs. Je sais déjà ce qu'il va faire,
mais je ne bouge pas d'un iota. Pas question d'empêcher
l'inévitable. J'ai compté les balles, et je sais que lui aussi les
a comptées.
Il glisse le canon du
colt dans sa bouche et presse la détente.