Je suis immortel, enfin.
J'ai mis le temps, j'en
ai chié, mais voilà, c'est fait.
Il s'en est fallu de peu
que j'abandonne. Cela devenait compliqué avec les autorités. Je
connaissais les risques avant de me lancer. Ils faisaient partie du
jeu, d'accord. Malgré tout, je pense n'avoir jamais envisagé mon
avenir, ne serait-ce que deux à trois décennies, enfermé entre
quatre murs. Le suicide m'aurait paru préférable. Belle ironie !
Mais en réalité non, je m'aime trop pour me tuer, alors j'aurais
plutôt opté pour le renoncement.
Par chance, le montant de
mes comptes bancaires a flambé au bon moment. Mes affaires, jusqu'à
présent moribondes, ont connu un essor inattendu, grâce à une
pandémie monstrueuse, ayant décimé des millions de personnes à
travers le monde, surtout en Chine.
J'ai pu gravir les
échelons, entrer au sein des plus grandes firmes, me faire élire,
d'abord maire, puis député... Je reviens de loin, mais à présent
mon horizon est sans limite. Cela en valait la peine.
Au départ, je devais me
débarrasser de mes parents. Classique. J'étais encore mineur,
l'acte, bien que grossièrement exécuté, passa pour un accident. Je
suis blanc, issu de bonne famille, facile, je ne pouvais pas être
impliqué. On m'a laissé tranquille, on m'a même aidé
matériellement et psychologiquement. Ah ! Madame Schwitz, ma
psy. Une belle femme. De trente ans mon aînée ? Et pourtant,
toujours sexy, la « MILF » ! J'ai pas mal fantasmé
sur elle. Et je dois l'avouer, c'est son image qui m'a permis
d'honorer mon deuxième engagement.
Tuer ma sœur n'était
pas un souci, je ne l'a supportais pas. Mais je devais aussi la
violer. Cette peste, en plus d'être pénible, ne possédait pas le
moindre attrait sexuel. Ok, c'est sans doute normal à huit ans, mais
tout de même, elle aurait pu avoir un peu de charme. Là, rien.
Alors madame Schwitz m'est venu à l'esprit assez vite. L'énergie a
afflué, j'ai pu exécuter l'outrage, malgré les cris de cette
petite garce !
Son exécution finale fut
une délivrance. Strangulation. Yeux dans les yeux. Un vrai bonheur !
Je dois le reconnaître, j'aurais dû commencer comme ça, cela
m'aurait aidé. Pas grave. Cet acte manqué a nourri mon expérience,
donc, pas de regrets ! Je m'en suis servi après, à maintes
reprises.
Rester éligible ne fut
pas chose aisée.
Il m'a fallu supprimer
une vie humaine chaque mois pendant trois ans, à ma convenance.
Puis, j'ai dû accélérer la cadence, une fois par semaine durant
deux ans. Enfin, les victimes devaient être âgées de moins de
quinze ans, durant une année complète et là, croyez-moi, même un
pays occupé à juguler la foule des contestataires et autres
« gilets jaunes » est capable de déployer de gros
moyens pour traquer un tueurs de cet acabit. Je variais les
méthodes, changeais d'instruments, me déplaçais à travers la
province...
Grâce à ma fortune,
aussi opportuniste que cynique – les marchés chinois étant en
berne, je me suis immiscé entre leurs sillons, faisant mon beurre de
leur malheur – je suis parvenu à me délivrer de tout soupçon et
à demeurer compétitif.
La concurrence était
rude. Peu nombreuse, certes, un allemand, un suédois, un américain,
mais âpre et obstinée. Nous étions vraiment bons. Nos méfaits
noircissaient souvent les pages des quotidiens du monde entier. Rien
que cela relevait de la consécration. Mais je n'étais pas homme à
me contenter d'un prix de consolation. Je la voulais ma récompense.
Je l'exigeais.
Alors j'ai pris une
initiative.
Puisque le but du jeu, au
final, consistait à tuer des enfants, eh bien, qu'à cela ne
tienne ! J'ai cramé une école primaire. Je n'ai laissé aucune
chance aux occupants. Enfin, je veux dire, mes employés. En plein
jour, avant la récré du matin, ils ont encerclé l'établissement,
ont versé des litres d'essence sur les infrastructures, en cercle.
Tout à cramé très vite. Ils y sont tous restés. Un peu plus de
deux-cents gamins et une vingtaine d'institutrices.
Là, je savais que
j'étais bon. J'avais surpassé les attentes !
Il est venu me voir, en
personne, un soir, alors que je dégustais un whisky hors d'âge face à
la baie vitrée tombant sur la Seine, ses ponts, ses lumières, et sa
tour de fer. Il s'est approché de moi, grand, immense, magistral, et
il m'a consacré. Dieu en personne m'a accordé le don ultime.
Je suis resté prostré
durant des heures, en pâmoison, à ses pieds. Puis il a disparu.
Quelques effets
secondaires se font ressentir. Des démangeaisons, surtout, là où
ma peau se couvre de verrues purulentes, le long des côtes, sur
les bras et les jambes. Une excroissance d’arêtes hérisse mon
échine, difficile de porter des chemises en popeline, elles
finissent en charpie. Les membres qui ont poussé sous mes aisselles
me paraissent inutiles, sans vie, leurs pattes trop griffues
s'opposent aux manipulations, ils sont juste gênants. Certes ma vue
est bizarrement déformée et je bave beaucoup.
Bof ! Dommages
collatéraux. Ce n'est pas bien grave. Je retiens l'essentiel.
Je suis immortel, enfin.
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