lundi 11 novembre 2019

Salon sanglant


Je n'ai jamais été doué pour le maquillage.
Je me contente d'un fond de teint blanc, et d'un noir de charbon étalé autour des yeux avec les doigts. J'aurais bien aimé dessiner des arabesques aux abords de la bouche, des joues, du front, comme les artistes de black-métal, mais non, ce n'est vraiment pas mon truc. Arborant une ample robe noire de mage sataniste, je passe la porte « entrée gratuite »... sympa ! Mouais, sauf qu'une jeune femme assez belle me demande une contribution. Je l'offre. Cela me fait plaisir. Ce n'est pas tous les jours que je peux m'adonner à mes penchants en parfaite impunité.
Je suis à peine fouillé.
Je franchis donc l'entrée muni d'une longue dague enserrée dans la cordelière de ma parure, un poignard court rangé le long de ma cheville droite, et une grande machette appuyée contre mon dos.
Les grenades reposent au fond de mon sac-à-dos.
Je parcours les allées en exhibant mon piteux grimage. Certains me prennent en photo. Je souris. Le résultat est flippant. J'arrête de sourire. C'est mieux.
Les allées sont étroites, j'y croise de nombreuses personnes costumées. Je me sens tout petit face à leur talent. Y'a de la compétence, et parfois du pognon ! C'est magnifique, j'admire.
Cela n'enlève rien à ma détermination.
Après deux heures à sillonner les rangées hantées par les maisons d'éditions, les vendeurs d'objets de décoration, les receleurs de boissons alcoolisées, les stands d'illustrateurs et autres geeks d'héroic-fantasy proposant des objets de jeux de rôle, je décide de passer à l'action.
Après-tout, je suis là pour tuer, pas pour attendre et discuter !
Je frappe par surprise. À la dague. Une jeune gothique, au cou. Tu aimes la mort ? Ok, je te l'offre ! Je taille sur les côté. Tranche une gorge, éventre un hobbit, plante un viking. Un espace se creuse. Je peux faire jaillir ma machette. La lame approche les cinquante centimètres, parfaitement aiguisée. Je m'élance dans un ballet meurtrier constitué de sauts circulaires, comme le pouvoir trombe de Diablo, c'est l'éclate ! J'adore. Le sang gicle, les bras tombent, les tripes s'effondrent au sol. J'exulte, je bande ! C'est trop bon !
Je commence à fatiguer. Mon arme est lourde, peu maniable. Je la laisse tomber et saisis mon poignard. J'assène des attaques sous le menton ou à la tempe. Sec, efficace ! Déchire un cou, crève un œil, pourfend un tympan. Pas forcément mortel, mais bien gênant pour les victimes.
Oppressé par les héros du jour, prêts à me sauter dessus à mains nues - putain de tarés - ou par les agents de sécurité, je m'enfuis au fond de la salle. Ouvre mon sac. Oui, j'ai un stock intéressant à exploiter.
Je déballe les grenades. Dégoupille, lance les boules le long des allées. Une, deux, trois, quatre, cinq... avant la sixième, la première explose. Le stand « Noir d'abysses » part en morceaux. La seconde et la troisième font flamber des dizaines de participants. La quatrième massacre le bar à cocktails. La cinquième, les « Ombres d'Elyranthe ». La sixième, des combattants au bâton.
Je profite d'un vide pour m'élancer vers la sortie. Je sectionne au hasard, aux armes courtes. Avant de rejoindre l'air frais, je balance mes derniers explosifs.
Les déflagrations dévastent tout alors que je traverse le square. Les flammes crèvent le ciel. Magnifique !
Je m'engage droit sur la station de métro. Un éclat me percute alors, en pleine rue. Un énorme morceau de parpaing. Je m’effondre, à moitié dans les vapes. Une main me saisit le poignet tandis qu'un automobiliste énervé me fonce dessus. Je suis soulevé de terre et dégagé de tout danger. C'est un géant grimé en minotaure. Il m'a sauvé la vie.
Je lui plante le front en guise de remerciement, et me rue en footing vers la gare Saint-Lazare. M'en fout du métro, je bénéficie d'une bonne condition physique. Je peux tenir.
J'entends des cris venus de mon dos. On m'accuse. On m'accable.
Rien à péter, je suis déjà loin.
Avec ce maquillage dégueu, personne ne me reconnaîtra, c'est certain.
Et si jamais la police se pointe chez moi, pas de soucis. Je dispose d'un arsenal tout à fait adapté à leur accueil...

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