Nous nous écrasâmes sur
Terre, Emmy et moi, en plein jour, au nez et la barbe de tous les
radars. Notre capsule fendit le ciel par un temps splendide,
au-dessus d'un paysage idyllique qui, sur le moment, nous indifférait
totalement. Seule nous importait la violence de l'impact. Elle fut
brutale, et c'est peu dire. La carlingue fut liquéfiée, ratiboisée.
Notre habitacle résista, mais vu la température, je savais que nous
devrions en sortir au plus vite. J’empoignai ma sœur à bras le
corps pour la projeter hors de la cabine. Elle fut épargnée. Pas
moi. L'explosion me souffla de plein fouet. Je fus expulsé sur près
d'une centaine de mètres, gravement brûlé. La douleur, je pouvais
gérer, c'était facile. Après plusieurs décennies à creuser dans
la roche avec mes mains, au fond d'une mine, je m'étais endurci. Par
contre, je n'avais jamais eu à subir de handicap durable, et
visible. Ces brûlures m'avaient ravagé. J'étais devenu pour les
autochtones de cette planète, d'une laideur repoussante. Même pour
Emmy, ce qui était bien plus traumatisant. J'aurais aimé lui
paraître agréable, voir dans ses yeux, lors de nos rencontres, un
peu d'affection. Avec ce faciès d'épouvante, cela relevait de
l'impossible. Même avec la meilleure volonté, elle ne pouvait plus
m'approcher comme autrefois. C'était au-dessus de ses forces, et je
le comprenais.
Les anciens avaient vu
juste. Ces terriens nous ressemblaient. En interne, nous possédions
deux cœurs, trois cerveaux, quatre reins, huit poumons, toutefois
d'apparence, n'ayant pas d'excroissance ou d'organe saillant, nous
pouvions nous fondre parmi la population.
Emmy fut très vite
acceptée par les habitants du bourg où nous trouvâmes refuge.
Plutôt jolie, elle fit l'unanimité, surtout du côté des mâles...
tandis que moi, j'inspirais le dégoût, et souvent la peur. J'étais
grand et puissant, mes mains ressemblaient à des haches, j'aurais dû
plaire ; au lieu de cela, d'aucuns voyaient en moi une menace, à
cause de ce visage détruit.
Je m'attendais au rejet
en arrivant ici. Nos pairs nous avaient prévenu. J'enrageais de
devoir le subir à cause de ma « sale gueule » plutôt que de
ma nature extraterrestre. J'aurais pu échapper à cette explosion,
si je n'avais pas perdu du temps...
Je jalousais Emmy. Elle
avait vite trouvé un compagnon, et s'était installée à la
campagne dans une belle maison. Pour ma part, sans travail, sans
amis, sans amours, j'errais dans les rues, épié par des passants
méfiants ou hostiles.
Quitter cette planète
n'est plus possible. Je savais dès le départ que le voyage serait
un aller simple.
Cette nouvelle vie aurait
pu me sourire, je n'ai pas eu de chance. Qu'à cela ne tienne !
J'ai pris ma décision.
Je suis parti en Angola.
Ici, il existe encore des mines de diamant.
Je possède certaines
compétences, alors foutu pour foutu, autant ne pas les perdre...
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