Je n'ai jamais été doué
pour le maquillage.
Je me contente d'un fond
de teint blanc, et d'un noir de charbon étalé autour des yeux avec
les doigts. J'aurais bien aimé dessiner des arabesques aux abords de
la bouche, des joues, du front, comme les artistes de black-métal,
mais non, ce n'est vraiment pas mon truc. Arborant une ample robe
noire de mage sataniste, je passe la porte « entrée
gratuite »... sympa ! Mouais, sauf qu'une jeune femme
assez belle me demande une contribution. Je l'offre. Cela me fait
plaisir. Ce n'est pas tous les jours que je peux m'adonner à mes
penchants en parfaite impunité.
Je suis à peine fouillé.
Je franchis donc l'entrée
muni d'une longue dague enserrée dans la cordelière de ma parure,
un poignard court rangé le long de ma cheville droite, et une grande
machette appuyée contre mon dos.
Les grenades reposent au
fond de mon sac-à-dos.
Je parcours les allées
en exhibant mon piteux grimage. Certains me prennent en photo. Je
souris. Le résultat est flippant. J'arrête de sourire. C'est mieux.
Les allées sont
étroites, j'y croise de nombreuses personnes costumées. Je me sens
tout petit face à leur talent. Y'a de la compétence, et parfois du
pognon ! C'est magnifique, j'admire.
Cela n'enlève rien à ma
détermination.
Après deux heures à
sillonner les rangées hantées par les maisons d'éditions, les
vendeurs d'objets de décoration, les receleurs de boissons
alcoolisées, les stands d'illustrateurs et autres geeks
d'héroic-fantasy proposant des objets de jeux de rôle, je décide
de passer à l'action.
Après-tout, je suis là
pour tuer, pas pour attendre et discuter !
Je frappe par surprise. À
la dague. Une jeune gothique, au cou. Tu aimes la mort ? Ok, je
te l'offre ! Je taille sur les côté. Tranche une gorge,
éventre un hobbit, plante un viking. Un espace se creuse. Je peux
faire jaillir ma machette. La lame approche les cinquante
centimètres, parfaitement aiguisée. Je m'élance dans un ballet
meurtrier constitué de sauts circulaires, comme le pouvoir trombe de
Diablo, c'est l'éclate ! J'adore. Le sang gicle, les bras
tombent, les tripes s'effondrent au sol. J'exulte, je bande !
C'est trop bon !
Je commence à fatiguer.
Mon arme est lourde, peu maniable. Je la laisse tomber et saisis mon
poignard. J'assène des attaques sous le menton ou à la tempe. Sec,
efficace ! Déchire un cou, crève un œil, pourfend un tympan.
Pas forcément mortel, mais bien gênant pour les victimes.
Oppressé par les héros
du jour, prêts à me sauter dessus à mains nues - putain de tarés - ou par les agents de sécurité, je m'enfuis au fond de la salle.
Ouvre mon sac. Oui, j'ai un stock intéressant à exploiter.
Je déballe les grenades.
Dégoupille, lance les boules le long des allées. Une, deux, trois,
quatre, cinq... avant la sixième, la première explose. Le stand
« Noir d'abysses » part en morceaux. La seconde et la
troisième font flamber des dizaines de participants. La quatrième
massacre le bar à cocktails. La cinquième, les « Ombres
d'Elyranthe ». La sixième, des combattants au bâton.
Je profite d'un vide pour
m'élancer vers la sortie. Je sectionne au hasard, aux armes courtes.
Avant de rejoindre l'air frais, je balance mes derniers explosifs.
Les déflagrations
dévastent tout alors que je traverse le square. Les flammes crèvent
le ciel. Magnifique !
Je m'engage droit sur la
station de métro. Un éclat me percute alors, en pleine rue. Un
énorme morceau de parpaing. Je m’effondre, à moitié dans les
vapes. Une main me saisit le poignet tandis qu'un automobiliste
énervé me fonce dessus. Je suis soulevé de terre et dégagé de
tout danger. C'est un géant grimé en minotaure. Il m'a sauvé la
vie.
Je lui plante le front en
guise de remerciement, et me rue en footing vers la gare
Saint-Lazare. M'en fout du métro, je bénéficie d'une bonne
condition physique. Je peux tenir.
J'entends des cris venus
de mon dos. On m'accuse. On m'accable.
Rien à péter, je suis
déjà loin.
Avec ce maquillage
dégueu, personne ne me reconnaîtra, c'est certain.
Et si jamais la police se
pointe chez moi, pas de soucis. Je dispose d'un arsenal tout à fait
adapté à leur accueil...